Le week-end passé, ce fut le troisième du mois et nous avons eu notre récollection mensuelle. Elle était animée par père HERMANS, cicm. Voici donc son enseignement qui a porté pour thème: l'unité dans nos communautés.
Le moment où on m’a demandé d’animer cette récollection, c’est le moment où on lisait les actes des apôtres, comment le diaconat a commencé. Ces lectures m’ont aidé à penser le thème que j’ai proposé : « l’unité dans nos communautés ». En effet, dans la première communauté chrétienne, la communauté primitive, il y a eu des problèmes de mésententes venues de la différence d’origine, de langue. Souvent nous pensons c’est la parole de l’autre qui continue à me faire mal dans le cœur, et pourtant ce qui fait ça c’est que nous ne prenons pas suffisamment conscience que ce qu’il y a mal en moi ce n’est pas la parole de l’autre mais mon besoin de me sentir reconnaître. C’est une découverte que j’ai fait moi-même il y a quelques années déjà deux ans. D’une manière particulière ce sont des choses qui m’ont touché, mais c’est à partir des petites histoires que j’ai vécues, j’ai compris que c’est un besoin inné, celui de se sentir aimé, compris, soutenu.
Un jour, il n’ y avait pas de potage et une sœur a refusé de manger. Et moi, je lui ai demandé si je pouvais aller au marché avec mon vélo pour chercher les nécessaires pour le potage. Savez vous comment elle m’avait répondu ? Avec le jeux de bouche : « sala kaka tee… ». C’est avec un certain dédain, je me suis senti comme si elle m’avait donné une gifle. Heureusement que je n’ai rien dit, je suis allé en chambre. Mais intérieurement je me suis dit ça je n’accepte pas, et ce soir à table il va me sentir ; en tout cas j’étais monté, monté, monté. Parce que c’est … après quelques instants j’ai essayé de faire la sieste mais le sommeil ne venait pas. Après un moment je me suis posé la question : Hermans, qu’est ce qui fait mal en toi ? Cela m’a beaucoup aidé. J’ai compris que c’est mon besoin, j’avais besoin de me sentir reconnu, apprécié pour quelque chose de bien que je proposais. Et le fait que j’ai pris conscience, à l’instant même toute ma colère et toute ma décision de faire quelque chose pour que la sœur ait mal aussi était fini. Parce que j’ai pu nommer ce qu’il y a du mal en moi. Donc souvent nous pensons que c’est la parole de l’autre, c’est le geste de l’autre ou ce que l’autre m’a fait c’est ce qui continue à me faire du mal. Or ce n’est pas ça. Ce qui continue à faire mal en moi c’est mon besoin, mon besoin de me sentir apprécié, utile car j’ai ma place dans le groupe. Moi je suis de plus en plus convaincu que 96% de nos peines que nous vivons dans nos familles ou communautés c’est à cause de cela, nous ne sommes pas conscients que ce qui est mal en moi c’est mon besoin, un besoin normal, un besoin inné, de se sentir apprécié, aimé, reconnu, accepté car je fais quelque chose de bien. C’est un besoin inné, ce n’est pas de l’égoïsme, non plus l’égocentrisme. Jésus aussi dans son corps glorieux, il a vécu aussi dans ce besoin, il se sentait soutenu par ses disciples, quand il pressentait la douleur. C’est un besoin qui nous accompagnera toute la vie. Mais il peut arriver que nous le vivions d’une manière exagérée. J’ai tellement besoin d’être apprécié quand j’ai fait quelque chose de bien, et si on ne me le dit pas, si on ne m’apprécie pas, quelque fois on a le courage de le dire nous-mêmes : « savez-vous, telle chose c’est moi qui est fait ça… ». Mais c’est un besoin normal.

Je vous ai raconté en détail quelque chose qui m’est arrivé il y a quatre ans, et je l’ai toujours considéré comme une grâce, comment une petite chose comme ça peut me mettre en colère au point de me décider de faire quelque chose. Et pourtant c’était une petite bêtise. Puisque moi je m’attendait à ce que lors que je proposait à la sœur, que je vais aller acheter ...et que la sœur me dise « ah c’est bien c’est bien », je serais content et ce serait fini. Vraiment une bêtise de rien du tout, et moi j’ai commencé à gonfler en moi-même.
L’on peut aussi se poser la question pourquoi je me sens plus à l’aise avec tel confrère q’avec tel autre ? C’est parce qu’il s’est passé quelque chose entre vous, une petite chose. On a souvent une incompréhension. Vous savez ce qu’est une incompréhension ? On se dit l’autre ne me comprend pas, ce n’est pas ça ; il faut plutôt dire je ne me sens pas compris par l’autre. Lorsque nous parlons de l’incompréhension, on pense que l’autre ne me comprend pas, il faut tourner la chose, c’est moi, je ne me sens pas compris. Là nous trouvons le fameux besoin dont je vous parle. Lorsque nous disons que ç’a commencé par une incompréhension, on dit que c’était lui, lui ne me comprenait pas, non, c’est moi, il avait sa part de responsabilité moi aussi. Cependant ce qui continue à faire mal en moi c’est que je ne me suis pas senti compris. Et au moment j’ai la conscience de cela, la chose change. Car à partir de ce moment là je peux commencer à relativiser. Relativiser ce que l’autre a dit, non ; car c’est un fait, mais ce que je dois relativiser c’est l’importance que je donne à mon besoin de me sentir compris, accueilli, reconnu, respecté, apprécié, puis que c’est à moi ce besoin là. Lorsque je prends conscience que ce qui fait mal en moi c’est mon besoin de me sentir compris,…le mal est en moi, je peux relativiser. Relativiser veut dire ne pas donner beaucoup d’importance à mon besoin. Vous savez, on n’a pas besoin d’être apprécié, on a plutôt besoin de se sentir apprécié ; se sentir aimé. Au moment où je me dis cela tout change. C’est une découverte à faire qui n’est pas facile.
Il y a quelques temps, je suis arrivé dans une communauté de formation des religieuses, au noviciat, où je passais pour des sessions. Et cette fois ci dès que je suis entré dans la communauté, on m’apprend une situation que je ne connaissais pas, c’est que l’ancienne maîtresse des novices a été remplacée par une autre beaucoup plus jeune. Dans cette communauté, l’ancienne maîtresse des novices est restée dans la communauté comme supérieure. Avant elle était et maîtresse des novices et supérieure de la communauté. Dès que je suis entré, on m’a salué. Et la jeune maîtresse m’a tiré un peu à côté : « père, il faut que je te parle, il faut que je te parle, je n’en peux plus. Ça ne va pas, ça ne va pas. ». J’ai dit on va se parler. Un peu après, je vois l’ancienne maîtresse de novice, la supérieure de la communauté elle aussi : « père, père, ici ça ne va pas ». Le lendemain, j’ai parlé avec la maîtresse qui dit : « voilà père, c’est moi qui suis la responsable. Mais je ne peux rien faire. Il arrive même qu’une décision que j’ai prise dans le cadre de la formation, dans le cadre de mes responsabilités, la supérieure dit non ce n’est pas comme ça, et ce en plein réfectoire, elle peut même dire aux novices ce que la sœur a dit ce n’est pas comme ça…Donc je ne peux rien faire, n’importe quoi je peux dire… ». Je l’ai conseillée en disant qu’elles doivent s’asseoir toutes deux pour parler car elles ne peuvent pas continuer comme ça. Ensuite je vois l’aînée qui me dit : « père, je ne comprends pas comment les supérieures ont pu mettre une jeune qui ne venait que d’émettre ses vœux perpétuels à la formation, elle n’a aucune expérience et prend des décisions n’importe comment et … ». Moi j’ai dit vous ne devez pas continuer comme ça, vous allez être des mauvais exemples pour les jeunes en formation à qui vous parlez de l’unité, de l’amour et pourtant elles voient des yeux que vous deux…Vous devez donc vous asseoir et vous parler. Elle dit : « non père, moi je peux bien lui parler mais avec elle ça ne marchera pas. Elle me méprise ». Moi j’ai dit, pouvez vous dire je me sens méprisée et non elle me méprise. Je me sens méprisée c’est votre vécu, et c’est ce que vous pouvez lui dire quand vous allez vous parler : « petite sœur, l’autre jour au réfectoire quand vous avez dit ceci ou cela, je m’étais sentie méprisé ». Ça vous pouvez dire car vous n’attaquez pas. Dire par exemple ma sœur dans certains de vos attitudes je me sens méprisée. Elle me regarde puis elle dit ça ne marchera pas mon père parce que elle me méprise. La sœur n’arrivait donc pas à faire la différence entre ce qui est le vécu de l’autre soit disant le mépris de l’autre pour elle et ce qui est son vécu où elle se sent méprisée.
J’ai encore d’autres exemples que j’ai vécus moi-même. J’étais curé de paroisse, mais j’ai trouvé un vicaire. Au début ça allait. Mais après non, non. Il fallait trouvait une solution. Je me dis je vais aller chez l’évêque, s’il peut nous changer, m’envoyer ailleurs ou bien le vicaire ailleurs. Mais je me suis dis non, je vais prier pour voir si c’est une bonne décision d’aller trouver l’évêque pour lui demander de nous séparer. J’ai prié, et j’ai demandé à l’abbé si on peut s’asseoir et se parler ensemble ? Lui-même me dit oui c’est une bonne chose et cet après midi je suis libre. Le fait qu’il a accepté, je me suis demandé comment ça va passer. Les après midi on s’est vu, et c’est moi qui ai commencé. Après la prière, j’ai dit monsieur l’abbé, est ce que je peux vous dire comment je me suis senti à certains de vos paroles et attitudes ? Il me dit oui père. J’ai dit te souviens tu de l’autre jour où j’ai présidé la messe et toi tu as fais l’homélie, lorsque tu as parlé des missionnaires. Moi je me suis senti visé, humilié devant les chrétiens comme si je n’avais pas ma place ici. Autre chose, un jour où nous avons accueilli un général, à table la manière dont vous aviez parlé avec le général, je me suis senti diminué, et c’est comme si on me disait quand tu vas partir. Vous savez quelle était sa réaction ? Au moment que moi j’avais fini, le vicaire me dit père hermans, est ce que moi aussi je peux vous dire comment je me suis senti à l’occasion de certaines de vos reproches ? Lorsque vous m’avez fait telle reproche, je me suis senti non pas comme votre frère prêtre, mais comme un petit séminariste qui est appelé chez son recteur pour recevoir la punition. Chers frères, au moment où nous deux avions dit comment nous nous sommes sentis à l’occasion de telle parole ou telle attitude de l’autre, on se regardait, personne de nous deux n’a senti le besoin de se justifier. On a compris la manière dont chacun de nous s’est limité à dire comment on s’est senti et personne de nous ne s’est senti ni jugé, ni attaqué. On se regardait, on s’est donné la main et on est resté quatre ans ensemble. Jusqu’aujourd’hui on est des amis.
Chacun peut donc se poser la question, dans nos familles religieuses ou autres, pour quoi je ne parle pas bien avec tel ou tel autre. Qu’est ce qu’il y a du mal en moi ? C’est ce besoin de me sentir vu, écouté, compris, accueilli, respecté, aimé, considéré, c’est celui là qui continue à faire mal à moi. Le moment où vous allez pouvoir le nommer, vous vous sentirez déjà autrement vis-à-vis de cette personne et peut être que vous allez dire « ah depuis longtemps que ça traîne en moi, si j’essayais de lui parler », non pas pour essayer de me justifier ou essayer de lui dire pour quoi tu m’as fait ça,… non, simplement de te décider de lui dire « ndeko na nga, l’autre jour je me suis senti » et je dirai même de ne pas dire ces paroles car vous risquez de dire les paroles qu’il n’a pas dite, des paroles que toi avec tout le temps que c’est resté en toi, olambi yango, ce devient autre chose . Et l’autre ne va plus se reconnaître car il n’avait même pas dit ça. Dans ce cas il faut dire est ce que je peux vous dire comment je me suis senti l’autre jour lors qu’ on ne s’est pas compris, l’autre jours lors qu’on a eu des mots, mais ne jamais dire lors que tu m’as dit ça. Et si vous préparez ça dans la prière et avec la grâce de l’esprit saint, l’autre aussi va entrer en lui-même et va vous dire est ce que moi aussi je peux vous dire comment je me suis senti. Et l’esprit continuera son œuvre d’unité. C’est la grâce que je vous souhaite.
Je voulais en rapport avec la fête d’aujourd’hui (ascension), vous parler de l’envoie du Christ, la mission. Parce que ce qui nous motive de plus pour surmonter toutes les difficultés pour rester uni, pour vaincre toutes les tentations qui continuent à rester dans la désunion, c’est la conscience de notre mission, la conscience que le Père, le Fils et l’Esprit comptent sur moi pour accomplir cette mission. La prise de conscience de notre responsabilité comme groupe, comme personne, la responsabilité qui m’a été confiée. Il est important de trouver des motivations fortes au moment que j’hésite à faire le pas vers l’autre, à pardonner l’autre. Ce qui peut nous motiver le plus, c’est le souvenir de la mission immense que le Seigneur m’a confiée, nous a confiée. Je peux vous rappeler quelques paroles de Jésus que nous connaissons : « allez dans le monde entier, proclamez la bonne nouvelle à toutes la création, à toutes les nations ». « Comme le père m’a envoyé moi aussi je vous envoie », « je ne suis pas venu faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé. Or la volonté de celui qui m’a envoyé c’est que je ne perde aucun de ceux qu’i m’a confiés ». Cette même parole revient en Matthieu dans la parabole de la brebis perdue : « …c’est ainsi que votre père du ciel ne veut pas qu’un seul de ses petits ne soit perdu ». C’est une préoccupation constante qui ne quittait pas Jésus. Ceux que le père a confiés à Jésus, ce n’est pas ce petit groupe, ni le peuple juif seul, c’est toute l’humanité, la multitude. Vous voyez comment à partir du magistère de l’Eglise de plus en plus même nous savons que Dieu réalise le salut de toute l’humanité, de tous les âges, de tous les temps. Conscients que cette multitude dont Jésus parle « pour la rémission de péché pour vous et pour la multitude », cette multitude c’est l’humanité tout entière de tous les temps, de tous les âges et de tous les lieux. Puis que le Christ est mort pour tous, et que la vocation dernière de l’homme est unique c'est-à-dire divine. Les pères du concile disent nous devons tenir que l’Esprit offre à tous d’une manière que Dieu connaît la possibilité d’être associé au ministère pascal. C'est-à-dire tout être humain est appelé par Dieu à l’existence pour être un jour son fils ou sa fille. La vocation dernière de l’homme est celle là, divine. Dieu n’appelle pas quelqu’un sans lui donner la possibilité d’accueillir cet appel. C’est de cette multitude dont Jésus a parlé, qu’il ne perde aucun de ceux que le Père lui a confiés. C’est pour quoi nous pouvons dire en terme trop humain, que Dieu, en son fils Jésus Christ, cherche les collaborateurs pour porter avec son fils le poids de cette multitude. Dieu peut le faire tout seul, il est le tout puissant et n’a besoin de personne. Mais il veut que ce salut passe aussi par nous, par moi, par toi. Cela peut être une motivation, quand je pense à Dieu qui compte sur moi pour sauver en Jésus Christ la multitude, je dois être sérieux moi aussi. Notre joie quand nous serons de l’autre côté de la vie, c’est de voir cette multitude que nous avons sauvée par le Christ à partir de notre comportement, sacrifice, exemple. Nous devons vraiment prendre conscience qu’à chacun de nous, Dieu a confié une multitude, c’est pourquoi Dieu a besoin de notre engagement, notre amour, notre fidélité, et de nos efforts sérieux pour vivre l’unité. Le salut de l’humanité tient à quelques uns, si ils n’étaient pas là, l’humanité périrait. Face à cette multitude innombrable, ceux qui vraiment s’engagent, ne sont pas nombreux. Mais pour le salut de l’humanité, il faut l’engagement de quelques uns. Et ces personnes sont comme des lumières qui éclairent les hommes, qui par leur engagement et fidélité leur a donné une multitude. Dieu veut avoir besoin de tout le monde.

La mission et la conscience que la multitude innombrable m’est confiée, peut être pour nous une motivation très grande pour vivre l’unité. Lors que Jésus en disant « aimez-vous les uns les autres », il a ajouté que « c’est ainsi les hommes verront que vous êtes mes disciples ». Le fait que nous vivons cette mission dans l’unité pour être un témoignage que nous sommes vraiment disciple de Jésus, doit nous motiver. Nous les religieux nous donnons beaucoup de bons exemples et de mauvais exemples. Nous montrons que nous sommes généreux, parlons bien, dévoués pour les pauvres, les malades, les enfants de la rue,…mais quelques fois entre nous ce que nous disons si bien nous ne le vivons pas. Non, approchons-nous de nos frères en communauté. Que la conscience de ma mission que Dieu compte sur moi et que je ne peux pas face à cette grande responsabilité que Dieu m’a confiée de sauver avec Jésus la multitude, je ne peux pas continuer à résister à cet appel de l’Esprit. Prions pour que le Seigneur dans son esprit nous saisisse pour que nous vivions pleinement notre responsabilité devant cette multitude. Le salut de l’humanité tient à quelques uns, s’ils n’étaient pas là, le monde périrait. Que je sois un de ces quelques uns, à qui Dieu en son fils Jésus donne une multitude.
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